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Melton, Christopher. “ Macabre et symbolisme chez Rodenbach.” American Journal of French Studies, 2021.

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Macabre et symbolisme chez Rodenbach

 

Introduction

Georges Rodenbach nous invite dans son récit-photo à repenser notre relation à Bruges au travers du personnage de Hugues Viane. Bourgeois élégant venu terminer ses jours à Bruges, il est le veuf inconsolable d’une femme dont il chérit les restes. C’est une histoire morbide que Rodenbach nous invite à suivre mais aussi à deviner, à imaginer en raison du style du récit : entre pages écrites et photos, le symbolisme est partout et soutient, porte le récit afin que le lecteur comprenne, à tâtons,  par esquisses, que les eaux lourdes de Bruges, ses miroirs, ses clochers, ses rues étroites sont les parties d’un tout qui fait de Bruges une ville dure, triste, grise et macabre. Cette composition, ce roman de Rodenbach, pourrait s’apparenter à un tableau impressionniste : il avance par petites touches, on s’imagine facilement devant Impression, soleil levant de Claude Monet. Le tableau final est troublant, chaque élément n’étant pas clairement distinguable, mais, fidèle à l’idéalisme allemand dont se réclame le courant symboliste belge, c’est mis bout à bout que le portrait de Bruges fait sens ; Bruges-la-Morte est une ville qui invite, tue et enterre les morts. Comme le souligne Paul Gorceix, « l’influence des thèses mallarméennes et de Villiers de L’Isle- Adam sur les symbolistes belges – Georges Rodenbach et Albert Mockel notamment – ne doit en aucun cas être minimisée. C’est en effet vers l’idéalisme allemand et la philosophie de Schopenhauer que se portent leur regard »[1].Tout dans cette ville sent, transpire la mort et il faut voir Jane dans le récit comme un ange travestit en démon par les forces de Bruges : elle serait à Paris une coquette bien introduite dans les salons menant une vie balzacienne ; à Bruges elle est le péché, une couleur trop vive pour le gris de la ville et c’est Hugues, poussé par les rues, la religion et ses clochers qui n’aura d’autre choix, dans un élan de rage, d’obéir à Bruges, et de tuer Jane. On associe en effet volontiers la mort de cette ballerine de passage à Bruges à un ange déchu qui, progressivement, au contact de la ville mystérieuse de Bruges, de Hugues, tournoie et chute. Ce thème surréaliste du mystère est inhérent à la ville et devient un processus de transformation à l’œuvre chez un être fragile, Jane. Les multiples procédés symboliques, de l’analogie aux signaux confus en passant par la transgression et la disposition de photos va permettre à Rodenbach de proposer un récit resserré, dense, avec une intrigue réduite qui, loin de transporter le lecteur comme dans les romans naturalistes de Zola, va l’enserrer et lui donner à contempler une ville sinistre. Dans quelle mesure le symbolisme chez Rodenbach participe à l’élaboration d’une vision macabre de la ville de Bruges ? Il nous faut d’abord étudier le personnage de Hugues Viane, véritable anti-héros pétri de contradictions, homme seul à la poursuite d’une morte, et bras inconscient de la ville de Bruges. Il est en effet la personnification de cette ville mystérieuse, étroite avec ses ruelles et sa religion de bruits de fenêtres, mais aussi passionnée avec ses processions qui rappellent l’autel adressée à la morte. La narration de ses errements psychologiques rappelle d’ailleurs avec force le style de Paul Bourget, contemporain de Rodenbach et héraut comme lui de cette littérature de fin de siècle. Nous aborderons ensuite évidemment le rôle des photos de Bruges insérées dans le roman. Leur analyse est obligatoire pour rendre compte du génie de Rodenbach quant à leur portée symbolique et empêcher ainsi le faux procès intenté par certains critiques comme Ferdinand Brunetière[2] ou Charles Merki[3]. Enfin, nous nous attacherons à évaluer la relation entre Bruges et Hugues qui se solde par un crime terrible : la mort de Jane, qui se trouve être finalement moins la victime de ce vieux bourgeois mais celle de Bruges, ville macabre qui n’accepte que ceux qui, vivant continuellement sous la crainte du péché, prient et sentent la mort.

I. Hugues Viane, l’anti-héros de Rodenbach

Dès les premières pages du livre, le ton est donné : Hugues Viane n’est pas un homme du monde, un habitué des fêtes ou un séducteur. C’est un homme qui lit un peu : « des revues, des vieux livres ; fumait beaucoup, rêvassait à la croisée ouverte par le temps gris, perdu dans les souvenirs » (p.52). Le style symboliste est là ; une description minimale, pas de remarques sur le physique ou l’habit, seulement quelques mots sur son passe-temps, pour tuer l’ennui. Point de fulgurances ou de discussions enflammées dans les salons brugeois. C’est l’année zéro, celle du veuf qu’on imagine comme une figure effacée, presque cachée dans une alcôve. C’est surtout un personnage seul qui nous est présenté, la focale est centrée sur lui. Ce sentiment de vide et d’ennui est renforcé par un champ lexical macabre : « le jour déclinait, assombrissant les corridors [..] la mort de sa femme [..] l’obscurité [..] le cadavre gisant [..] la mort [..] les cloches sèment de poussières de sons, la cendre morte des années [..] chercher des analogies à son deuil dans de solitaires canaux et d’ecclésiastiques quartiers » (p.53). Hugues Viane est un anti-héros qui vit dans une ville-cimetière, où il traîne son deuil et les effets, les restes de sa femme. La ville correspond à son état d’esprit : c’est un homme triste qui vit dans une ville triste où les occasions d’être heureux, de se divertir, ne sont nulle part mentionnées par Rodenbach. La répétition de scènes graves, lourdes, sans jamais donner de descriptions positives des canaux ou des brugeois viennent renforcer une symbolique de la tristesse, du macabre. Bruges n’est pas un endroit où on oublie ses chagrins nous dit en filigrane Rodenbach.  Ici, on les porte comme une croix, on les soupèse, on les prend entre les doigts, on les regarde longuement et on y est aidé par la ville et ses rues qui nous ramènent chez nous ; Hugues fait sa petite promenade mais sort rarement. Bruges ne propose pas d’exutoire et le style minimal, centré, avec très peu d’informations disponibles, ainsi qu’un temps d’action très lent participent à l’élaboration de ce sentiment de langueur, de « cave humide » pour paraphraser Jules Renard qui dans son Journal [4]a résumé l’accueil sarcastique de certains critiques en qualifiant Bruges-la-Morte de « littérature de cave fraîche ». Au travers d’Hugues Viane, Rodenbach fait la démonstration de l’effet de Bruge-la-Macabre sur le personnage principal : elle n’est pas un échappatoire, elle l’enferme, le rend fétichiste et lui fera même tuer la seule couleur du tableau. Jane se dessine en effet comme la seule touche de couleur vive qui apparait et disparait dans ce tableau-roman de Rodenbach sur la ville de Bruges, telle qu’on pourrait se l’imaginer dans  La Frontière Invisible de François Schuiten et Benoît Peeters.[5]

A. Le démon de l’analogie ou l’homme seul à la poursuite d’une morte

La poursuite de cette jeune femme, Jane, commence dès le chapitre II lorsqu’il sort de l’Eglise Notre-Dame, presque en pleurs, et le style symboliste de Rodenbach participe activement à cette impression de fuite en avant, éperdue, que le lecteur ressent en suivant Hugues. Jane n’est pas nommée, et c’est une description minimale qui nous est offerte : les yeux « de prunelle dilatée et sombre dans la nacre » (p.78) et la chevelure « couleur d’ambre et de cocon, d’un jaune fluide et textuel » (p.78).  On ne saura rien de ses traits, ni de sa toilette ou de son regard. Le lecteur est invité à s’imaginer via ces deux symboles, les yeux et la chevelure, une femme semblable à une morte qu’on ne connaît point. La poursuite n’est d’ailleurs pas celle d’un héros mais bien plutôt d’un voyeur, d’un malade : « Sa rétine, à force de sauver la morte, identifiait les passants avec elle? Trouble d’une apparition ! Miracle presque effrayant d’une ressemblance qui allait jusqu’à l’identité » (p.78). Il ne la voit que subrepticement et déjà, il la voit comme le double de sa femme, parle d’identité sans même avoir pu la dévisager ou lui parler. Sa rétine est celle d’un homme dont la raison est voilée par la mort. La pulsion macabre est déjà à l’œuvre ; sa poursuite dans les rues de Bruges n’est pas celle d’un galant qui marche avec bonheur vers un nouveau cœur mais celle d’un homme qui  se perd progressivement dans les rues noirâtres de Bruges.

 « L’air d’un somnambule, Hugues la suivait toujours, sans savoir pourquoi et sans plus réfléchir, à travers le dédale embrumé des rues de Bruges », « il ne la vit plus, disparue dans on ne sait laquelle de ces ruelles tournantes » (p.79)

C’est d’ailleurs encore ici qu’on comprend que Bruges-la-Morte est présentée conformément à l’Avertissement disposée en début de roman : elle n’est pas juste un décor, elle joue, à travers le macabre de ses descriptions, un rôle éminent dans le développement de la folie de Hugues ; elle est un personnage à part entière. Bruges est cette main tendue qui présente à Hugues cette apparition merveilleuse et le perd ensuite dans un dédale de rues embrumées et de ruelles tournantes. Là encore, c’est le symbolisme qui s’exprime. Les phrases sont ramassées et les mots sont sourds, inquiets : « avec la peur haletante de la perdre encore, à travers cette vieille ville aux rues en circuit et en méandres » (p.88) « passait devant le halo répandu d’un réverbère » (p.89). Nous sommes loin des naturalistes, des descriptions de foules compactes, de visages hagards ou de grandes scènes de société. Ici la vision du lecteur est réduite et l’environnement, la ville, fait partie intégrante de l’évolution du récit, du changement mental de Hugues qui s’affirme comme un fétichiste et, progressivement, comme un masochiste.

B. Un homme fétichiste et masochiste

Hugues est un obsédé, un névrosé qui, après avoir aperçu Jane pour la première fois, continue de vénérer comme des reliques les effets de sa femme :

 « Maintenant, quand il songeait à cette femme, c’était l’inconnue de l’autre soir qu’il revoyait ; elle était son souvenir vivant, précisé. Elle lui apparaissait comme la morte plus ressemblante. Lorsqu’il allait, en de muettes dévotions, baiser la relique de la chevelure conservée ou s’attendrir devant quelque portrait, ce n’est plus avec la morte qu’il confrontait l’image, mais avec la vivante qui lui ressemblait. » (p.81-82)

Le fétichisme chez Hugues s’exprime très clairement par la dévotion maladive pour la chevelure de sa femme ; dévotion d’ailleurs renforcée depuis qu’il a rencontré Jane ? Ce fétichisme le poussera même – au cours d’une scène intimiste qui ne fait intervenir que lui et Jane – à offrir à cette dernière deux robes de la morte. Cette scène clé amorce d’ailleurs le masochisme qui le contraindra plus tard à un crime terrible, fruit d’une souffrance non maitrisée. Elle décide en effet après les avoir trouvés vieillottes de les porter et de s’amuser avec en dansant.  Sacrilège pour Hugues ! Le masque de la ressemblance, de l’analogie tombe. Et c’est une souffrance volontaire, macabre qu’il s’impose alors : il ne veut pas perdre cette Jane qui ressemble à la morte sans jamais pouvoir vraiment l’être. C’est alors un homme qui fait un souhait masochiste : celui de souffrir non seulement dans sa relation avec Jane puisqu’il l’attend – toujours dans ces rues grises de Bruges – devant chez elle souvent sans la voir ; et également au travers des « miroirs » de Bruges. Ces innombrables boutiques derrière lesquelles la rumeur se colporte et fait de lui, le veuf inconsolé, un affreux pêcheur ; il essaye de les ignorer, il n’écoute pas sa servante, Barbe, et ne prendra jamais la décision de casser ce quadrature macabre – lui, Bruges, la morte et Jane.

II. Un récit-photo activant paradoxalement un symbolisme macabre

A. Des photos symboliques

Charles Merki, critique au Mercure de France, indiquait en 1892 que les images, loin de renforcer la puissance symboliste à l’œuvre dans le roman, témoignaient d’une « réalité brutale »[6], de « l’existence effective » de la ville, en annihilant « le voile flottant et mystérieux des apparences » ou, dit autrement, « l’idée » qui s’en dégage : « un livre véritable, vivant de lui-même, s’affranchit facilement de ce secours un peu puéril ». Il condamne ainsi le recours à la photo car ces dernières interdiraient la rêverie en donnant à voir le réel tel qu’il est. Mais a-t-il véritablement analysé ces photos ? Peut-on vraiment dire qu’elles sont des reproductions exactes, parfaites de la réalité de la ville de Bruges. Rien n’est moins sûr lorsqu’on se penche par exemple sur celles p.67 et p.139. Comme les autres, elle n’ont pas de titres, pas de sources, elles sont posées là, sans vraiment nous indiquer l’endroit, le jour, le mois ou l’année. Au contraire, le format en noir et blanc, et l’inexactitude des traits, un peu brouillons, vaporeux, invite le lecteur à s’imaginer un cours tranquille, des petites maisons tristes bordées par des saules pleureurs. L’atmosphère qui y est présenté nous aide, mais ne nous donne jamais exactement à voir Bruges-la-Morte. La qualité des photos n’est pas assez bonne pour pouvoir se figurer nettement un cadre d’action, une réalité. Par conséquent, l’utilisation par Rodenbach de ces photos est judicieuse et renforce la symbolique du récit car elles participent à la construction d’une ville triste, macabre, qui restreint, contraint et enveloppe ses morts. L’absence de couleurs et de netteté accentue le mystère propre à l’intrigue et mieux, les canaux qu’on peut voir font écho à un vrai champ lexical de l’eau dans le récit.

B. Des photos qui participent à la noyade de Hugues

Hugues, veuf éploré qui, toujours, persiste dans sa relation masochiste avec Jane se voit peu à peu happé par la ville de Bruges, atteint par une folie meurtrière. Cette descente aux enfers est matérialisée par les images de canaux, eaux troubles qui sont rappelés à plusieurs reprises par Rodenbach. L’originalité de cette symbolique des canaux est dû à la position géographique de Bruges. Hugues se retrouve progressivement noyé par la ville, entre rues tournantes et sombres remous :

« voix de cristal qui chante, s’élargit en halos, en remous où l’homme cède, tournoie et s’abandonne » (p.238) « Hugues, se sentant triste à l’infini, plus triste dans ces cantiques qui lui faisaient mal » (p.260). Hugues se replia sur lui-même, silencieux, navré, jetant son âme pour ainsi dire à la houle de cette musique en remous par les rues, pour qu’elle l’emportât de lui-même [..] La scène nouvelle qui venait de jeter encore des banquises entre eux » (p.262)

Ici, Hugues est pareil à Ulysse, qui dans l’Odyssée, revient avec ses compagnons sur son navire de l’île des morts. Alors qu’ils s’apprêtent à aller vers les sirènes, Ulysse se rappelle ce que lui avait dit Circé : « Faites attention, vous allez rencontrer des sirènes. Si vous écoutez leur chant, elles vous attireront avec elles et vous mourrez »[7]. Nous sommes ici dans la même configuration avec un Hugues Viane pénétré des cantiques de la ville de Bruges, sonné par la foi ardente promue par les cloches qui tintent sans cesse, et est poussé lentement vers les canaux noirs de cette ville macabre. Elle le rend, chaque jour, plus malheureux, lui fait regretter sa relation avec Jane et le pousse à la voir comme le péché qui a fait fuir Barbe, comme un démon qui jamais ne ressemblera à sa femme et le fera souffrir.

III. Jane ou la critique par Rodenbach d’une Bruges-ville-macabre

A. L’opposition binaire Jane / Bruges-la-religieuse

C’est d’abord dans l’Avertissement en début d’ouvrage que les prémisses du lien qui unira Hugues à Bruges tout au long de l’ouvrage sont proposées : « la Ville orientant une action ; ses paysages urbains, non plus seulement comme des toiles de fond, comme des thèmes descriptifs un peu arbitrairement choisis, mais liés à l’évènement même du livre » (p.50). La ville fait partie intégrante du récit et, mieux, guide l’action. La ville décide, choisit, interagit avec Hugues et le rend de plus en plus fou, avec ses « quais, rues désertes, vieilles demeures, canaux béguinage, églises, orfèvrerie du culte, beffroi » (p.50). Surtout, il faut voir dans la vision macabre de la ville de Bruges proposé par Rodenbach une critique acerbe de l’Eglise omniprésente dans le roman, en particulier au travers du personnage de Barbe, émanation parfaite du conservatisme religieux brugeois qui voit en Jane non pas une couleur vive rallumant le cœur d’un homme mais la source du péché: « Ouvrir à cette créature, la servir à table, être à ses ordres, s’associer au péché – son confesseur le lui avait clairement défendu. Et à pareil jour ! Un jour où le sang de Jésus allait passer devant la maison » (p.248). L’attitude de Jane est ici dénoncée par Barbe : comment accepter qu’une créature du diable puisse venir dans la maison qu’elle sert, elle, qui a été prévenu par la ville de Bruges (les Béguines) des écarts de conduite de Hugues. La sortie de Barbe est une autre étape clé de l’histoire, c’est la bouée de sauvetage spirituelle qui s’en va et cette ville macabre se referme définitivement sur les amants maudits. Rodenbach, en se focalisant dans le dernier chapitre sur deux personnages ralentit le temps, rend le récit beaucoup plus lourd, pesant, et fait de la mort de Jane, après la mort de la femme d’Hugues, le symbole d’une ville non seulement morte mais surtout macabre.

B. Un meurtre symbolique

L’achèvement du symbolisme dans le roman se situe au moment du meurtre de Jane. Les cloches sonnent, la procession passe devant la fenêtre et Bruges se déploie alors tout à fait. Hugues « s’affole », devient fou, en voyant cette danseuse s’amuser avec la relique de la morte. De masochiste, il devient meurtrier, rendu fou par cette ville qui jamais ne l’a divertit, jamais ne l’a laissé développer une relation paisible avec Jane, jamais ne lui a permis d’échapper à la symbolique de la morte :

« Elle avait porté la main, elle, sur la chevelure vindicative, cette chevelure qui, d’emblée – pour ceux dont l’âme est pure et communie avec le Mystère – laissait entendre que, à la minute où elle serait profanée, elle deviendrait l’instrument de mort » (p.270)

Une telle description, « Elle avait porté la main, elle, sur la chevelure vindicative », corrobore par ailleurs l’aspect aventurier de Jane. Elle n’est finalement dans ce roman pas seulement une fille innocente, elle est aussi cette tentatrice qui a bien compris la douleur de Hugues et ne fait rien pour l’aider à surmonter cette épreuve. C’est une femme libre et indépendante (p.235-236) et elle profite du mal-être de l’anti-héros autant qu’elle se laisse happer par les brumes de Bruges. Perdue, elle n’aurait jamais pu rendre Hugues heureux et le double qu’elle représente aux yeux d’Hugues ne peut prétendre être une victime consentante. Elle se sait au centre d’une quadrature amoureuse malsaine (elle, la morte, Hugues et la ville) et décide pourtant, consciemment, de participer à ce jeu macabre. Rodenbach nous donne donc à voir un destin en boucle, une certaine circularité de l’histoire – semblable à la configuration des rues de la ville – avec une morte qui en rejoint une autre, comme si Bruges était condamnée, morte après morte, symbole après symbole, à être une ville macabre.


[1] Gorceix, Paul. “La Théorie Belge Du Symbolisme: Origines Et Actualité.” Revue D’Histoire Littéraire De La France, vol. 93, no. 2, 1993, pp. 207–224.

[2] Brunetière, Ferdinand, “Revue littéraire. Sur la Littérature ”, Revue des deux Mondes, t. III, n° 109, janvier-février 1892, p. 207.

[3] Merki, Charles, “Georges Rodenbach”. Mercure de France, t. II, n° 18, juin 1891, p. 343-351.

5 Schuiten, François, and Benoît Peeters. La Frontière Invisible. , 2002. Print.

[6] Charles Merki, « Georges Rodenbach », Mercure de France, t. II, n° 18, juin 1891, p. 343-351.

[7] Homere, Bitaubé, and Pierre Didot. Oeuvres d’Homère: Avec Des Remarques; Précédée De Réflexions Sur L’odysée Et Sur La Traduction Des Poëtes. Paris: Didot, 1787. Print.


Bibliographie

  • Brunetière, Ferdinand, “Revue littéraire. Sur la Littérature ”, Revue des deux Mondes, t. III, n° 109, janvier-février 1892, p. 207.
  • Gorceix, Paul. “La Théorie Belge Du Symbolisme: Origines Et Actualité.” Revue D’Histoire Littéraire De La France, vol. 93, no. 2, 1993, pp. 207–224.
  • Homere, Bitaubé, and Pierre Didot. Oeuvres d’Homère: Avec Des Remarques; Précédée De Réflexions Sur L’odysée Et Sur La Traduction Des Poëtes. Paris: Didot, 1787.
  • Merki, Charles, “Georges Rodenbach”. Mercure de France, t. II, n° 18, juin 1891, p. 343-351.
  • Rodenbach, Georges. Bruges-la-morte. Paris: Flammarion, 1998.
  • Schuiten, François, and Benoît Peeters. La Frontière Invisible. , 2002.